Sacha Houlié, 29 ans, député du groupe La République En Marche (LREM) de la 2ème circonscription de la Vienne a été élu le 18 juin 2017. Il a fait parti de la vice-présidence de l’Assemblée nationale, mais a laissé sa place le 16 janvier dernier à un représentant de l’opposition, Y Jégo (UDI). En 2015, il était le cofondateur des « Jeunes avec Macron » avec quelques autres militants. Soit, un pari un peu fou, car à l’époque, le ministre de l’économie était peu connu de la vie politique. Lors d’une tournée pédagogique dans sa circonscription, il a tenu à expliquer son travail, son devoir en tant que représentant de la nation. Les classes de 1ES1 et 1L ont pu rencontrer le député pour échanger sur sa fonction, et lui poser quelques questions.
→ Quelles ont été vos motivations pour être député ?
« C’est la traduction d’un engagement pour changer la vie de tout le monde. Protéger les populations qui étaient le plus exposées au risque de la mondialisation, ou des sans-abris, au risque écologique etc…, bref : des engagements concrets traduisant notre programme. Et parce que l’on considère que ces engagements sont nécessaires pour le pays, on se propose d’en être les élus, pour appliquer le programme. »
→ Est-ce que le fait que vous soyez jeune peut être handicap ou un atout en politique ?
« Quand on se présente et qu’on est jeune, pendant longtemps ça a été mal vu. Ou ça n’a pas beaucoup existé. […] Moi, je me suis présenté dans une circonscription, il y a 40 maires qui se disaient : est-ce qu’il va vraiment travailler pour nous ou est-ce que finalement il est juste là pour voter les lois pour lesquelles il a été élu ? Eh bien après, il faut démontrer. Le travail ne s’arrête pas au moment de l’élection, c’est là où vraiment tout commence. Et c’est le fait de démontrer qu’on peut argument, de faire nous preuve d’un peu de patience, et c’est parfois un peu compliqué parce que je le sais, je l’ai vécu, qui fait que l’on convainc petit à petit les adultes ou les gens qui considèrent notre âge comme un handicap, que finalement ça peut être un avantage. Notre âge est un avantage lorsqu’on peut penser qu’on va bousculer un peu la façon de penser ou les choses. Et là, c’est l’exemple des Jeunes avec Macron. »
→ Comment est-ce possible de rester neutre en tant que vice-président de l’Assemblée nationale tout en organisant les débats ?
« C’est obligatoire, et c’est dans votre intérêt. […] C’est obligatoire parce que vous êtes vice-président et cela veut dire que vous avez la charge de la séance, de sorte que si les députés s’énervent parce que vous prenez le parti d’un député ou d’un autre, eh bien vous perdez totalement le contrôle de toute la séance. »
→ Vous avez soutenu Catherine Coutelle lors des élections législatives de 2007 à 2012, vous étiez donc plutôt à gauche au PS ; pourquoi avez-vous pris ensuite un virage vers la droite ?
« Alors ça c’est à considérer que LREM est à droite, ce que je ne partage pas. Par contre, c’est vrai qu’en 2007 et 2012, j’étais adhérent aux jeunes socialistes, c’est là où j’ai commencé. […] En ce qui concerne le temps politique qui était celui de 2007 et de 2012, il était très très marqué par le bipartisme, de sorte qu’il n’y avait que deux partis (NDLR : la droite et la gauche). Et moi j’étais beaucoup plus d’accord avec un monsieur, qui s’est malheureusement fait mal connaître ensuite, qui s’appelait Dominique Strauss-Kahn, et qui développait déjà les idées reprises par Emmanuel Macron, notamment sur l’idée que plus on était européen, plus on se protégeait, parce qu’on était plus nombreux et qu’on s’organisait mieux, et l’idée de dire qu’il y avaient des inégalités dès notre propre naissance, et que si les Droits de l’Homme disent qu’on est libres et égaux en droits, au final, l’endroit où on habite, l’accès à la santé, l’accès au travail, les écoles, ça créent des grandes inégalités entre nous et donc qu’il faut corriger dès le départ (c’est ce que disait Dominique Strauss-Kahn et ce que disait sous une autre forme Emmanuel Macron lorsqu’il parlait d’assignation à résidence dans les quartiers, que j’ai retrouvé en 2015) et c’est ce qui fait qu’en 2007, j’ai fait campagne pour Catherine Coutelle, en 2012 j’ai aussi fait campagne pour elle et pour le PS. Mais entre 2012 et 2015, ce que faisait le gouvernement ne me plaisait pas, j’étais en désaccord, et surtout je ne retrouvais pas les idées que je viens d’exprimer ici. »
→ Avez-vous un peu de temps à consacrer à vos proches ?
« Alors… Pas beaucoup. Pas assez, probablement. Moi j’ai la chance aussi d’avoir des amis qui sont élus […] donc heureusement je les vois un peu. Mais à l’évidence, -ce qui n’est pas bien- je n’ai pas assez de temps à moi personnel. Mais c’est parce que je suis aussi passionné par ce que je fais et je pense que pour être élu, il faut aussi être passionné, parce que si on prend ça comme une corvée, ça dure jamais très longtemps. »
→ Pensez-vous que le système bicaméral est toujours pertinent ? Pensez-vous que le Sénat joue un rôle moins important que celui de l’Assemblée nationale ?
« D’abord moi j’ai été élu dans un programme qui promet de réduire le nombre de parlementaires. […] L’idée qu’on se fait, c’est de se dire qu’il y a un tiers de parlementaires dont on pourrait se passer. Pas qu’ils sont forcément en trop aujourd’hui, mais que, on est capable de faire aujourd’hui avec moins. […] En revanche, ce que je trouve pas utile c’est que aujourd’hui on a l’Assemblée nationale et le Sénat qui sont le vrai Parlement, et puis on a une chambre à côté qui s’appelle le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) qui regroupe plein d’acteurs d’associations ou de syndicats etc…, et qui eux, ça veut dire que soit ils ne sont pas représentés dans les chambres, ce qui est dommage, soit finalement ils font un travail qui est différent, ce qui est aussi dommage. Dans ces circonstances, dans ces trois chambres, à mon avis il y en a une de trop. Voilà. Mais le Sénat, d’un certain point de vu, il a une utilité, moi je n’irais pas jusqu’à dire qu’il est inutile. Est-ce que le Sénat ne m’ennuie pas parfois ? Si, clairement si ! »
→ Que pensez-vous de la loi d’immigration de Gérard Collomb ?
« C’est un sujet qui est très délicat parce qu’on a 3 aspects qui sont vus sous l’angle d’un texte qui a été adopté avant la loi, qui fait que ça rend tout ça assez délicat. Ce texte adopté avant la loi, c’est la circulaire de Gérard Collomb, pour aller voir dans les centres d’hébergement d’urgence la nationalité des personnes, et savoir si elles ont déposé des demandes à la préfecture ou pas, pour pouvoir les régulariser ou pas. Ça a été très mal vécu, alors que la volonté fondamentale de ce texte-là était de se dire qu’on avait des places d’hébergement d’urgence, 126 000, on les a augmenté de 14 000 (soit 140 000), mais c’était toujours plein. Et puis à côté de ça, on avait des places d’hébergement pour des demandeurs d’asile, il y en avait 80 000, on les a augmenté de 8000 sur 2 ans, mais c’était jamais plein. Et donc il y avait un besoin d’un vase communiquant entre les deux, puis il y avait surtout des gens dans les centres du 115 (le 115, c’est quand vous appelez un numéro, le service social, et qu’au lieu de dormir dans la rue, on vous donne des chambres d’hôtels) sauf que dans ces chambres d’hôtel-là, il y avait des gens qui avaient déjà des titres de séjours. Et donc qu’on pouvait héberger, et c’est notre volonté, dans des appartements de façon durable. Donc il y avait une volonté de dire on répartit mieux les gens, on fait un accueil inconditionnel, on loge tout le monde, et donc faire en fonction de la situation de chacun. Et ça, c’est un texte qui a été très très mal compris, parce que ça n’a été expliqué à personne, que Gérard Collomb pour le coup a fait quelques boulettes aussi sur ce sujet-là, de sorte que ça s’est très rapidement envenimer. Et puis, après il y a la loi asile-immigration : là, c’est la volonté de mieux protéger les gens qui relèvent du droit d’asile, donc qui sont persécutés dans leur pays. Le droit d’asile étant protégé par une norme supérieure à celle de la Constitution française ; c’est une convention internationale de Genève, on les protège mieux, on les intègre, par contre lorsque les gens aujourd’hui ne relèvent pas ni du droit d’asile ni de titre de séjour, eh bien on pratique des reconduites à la frontière. »
Cette rencontre enrichissante a permis un éclaircissement sur nos représentants, nous familiarisant avec les instances législatives de la Vème République. Ainsi, Sacha Houlié nous a amené à réfléchir sur notre futur rôle de citoyen : s’engager dans la vie publique, primordiale pour changer les choses au 21 ème siècle ?
Marina BONY et Salomé REDEUILH